J’étais au cinquième étage du Central Plaza Pin Klao à Bangkok, rue Borommaratchachonnani.
Je cherchais les bureaux de la Western Union.
Je venais récupérer 150 dollar que Jacques, mon Jacquot, m’envoyais.
J’étais à sec.
Après l’Inde, le Népal et puis l’Inde encore, la Thailande, le Laos.
Et puis la Thailande encore.
Les excès en tout genre.
A court de kérosen.
Avec ça, j’espérai un visa à 10 dol, un billet sur un coucou à 100.
J’arriverai à Rangoon.

Tout a changé. Autour d’une bière. Un Italien.
– Rangoon, c’est bien.
– Part à Phnom Penh, trouve le Cloud 9, sur le lac.
Le Cambodge. C’est quoi ? Une misère pire que la miènne !
Le pays des amputés.

Mon coucou attérit.
Le mototaxi à essayer de toucher sa comm. Il m’a montré au moins dix hotels.
Lassé, il m’a enfin largué au Cloud 9.
On quitte l’avenue Monivong, au carefour avec l’hopital Pasteur.
On prend un chemin en terre, jonché de poubelles.
Des échopes, des vendeurs de cigarettes, éfondrés par la chaleur. On descend vers le lac.
A gauche. des 2 côtés, le bidonville, les mansardes, avec les gens, là. Tant bien que mal.
If fait déja nuit et je vois mal. Cent mètres plus loin, les hommes et leurs mobylettes attendent à l’entrée de la guest-house.
Cinq dollar de moins. Pour mon chauffeur.

Je fait les comptes, très vite. Il me reste dix dollar. Ah ah ah !
Vas’y, man, on verra bien ce qu’il se passe.
Le gars est plutôt sympa. Il me montre un grand cahier, sur le comptoir.
Il ouvre à une feuille blanche, me demande d’écrire mon nom et le numéro de ma chambre et
il me dit de marquer dessus tout ce que je consomme. Très sympa.

Je me sens bien. Quelques choses dans l’air. La ville, peut être.
Je regarde le comptoir. J’ai la dalle ! Le menu me montre des curry et des noodles.
Je me rapelle avoir vu en arrivant, juste avant d’entrer dans le bidonville, au carrefour Monivong, des échoppes de street food.
Fait vachement noir, man. Et puis, ces putain de clébards qui geulent de tout les côtés. Je marche vite.

J’arrive au carrefour. Enfin un peu de lumiere ! Aux quatres coins, ils sont là.
Ici, une petite carriole sur deux roues, deux petits tabourets, tu mange Noodle soup.
La, une portion de riz et de curry.
Ici, du curry de poisson à l’odeur pourri,
mais je me dis que ça doit être une spécialité cambodgienne et qu’il faudra que je goutte.
Il y a de tout jusqu’au café chaussette, à la Française, petite baguette et Vache qui rit.

Je traverse une rue et je vois un vendeur de nouilles. Deux tables, une de libre, je décide de m’assoir.
Plat de nouilles frites, basique, avec un peu de verdure. Ce pays est tellement exangue.
je mange en pensant qu’il faudra que je trouve bientôt de la beu.

je vois s’approcher un couple de Cambodgiens avec ses enfants. Ils semblent chercher une table de libre.
Je les regarde. Je regarde autour de moi. Plutôt busy, le soir, ici.
Ils sont déçus.

Je vois un petit tabouret, tout seul, juste à côté du vendeur de nouilles,
Je leur fait signe, des gestes pour leur faire comprendre et je vais m’assoir sur le tabouret pour manger.
Le sourire aux lèvres, ils s’sassoient. Je souris aussi. Il fait bon ici. Je ne sais pas pourquoi.
Après mes nouilles, je déguste un café. La place s’est vidée, autour de moi, c’est vide.

Je me leve, sort mes derniers dollar de ma poche pour payer.
Le gars me dit que la famille à qui j’ai laissé la table a payé mon repas pour me remercier.
Je suis paralysé, figé. Des génocidés qui me nourisse, moi.
La bonté de ces gens les plus pauvres n’a donc pas de limite.
Je range mon argent, honteux.

Je rentre en pleurant, dans le noir.
Meme les chiens ne me font pas chier. Ils doivent sentir mon bonheur.