Trois mots simples, magnifiques, solitaires.
Ces trois mots réunis par moi, pour moi, qui sont une vie, un univers.
Hier, mon passé. Désert, parce qu’habité plus que par mes pensées.
Régnant et m’octroyant le droit de visiter ce royaume,
je me promène souvent dans ses vastes étendues sombres et sans dunes,
plates, où souffle un vent rugissant et tendre.
Là. les mains dans les poches ou allongé au pied d’un
arbre triste, je me laisse vagabonder, heureux.
J’aime que mon temps passe ainsi.
Alors, tu m’appelle, toi mon ami, mon amie.
Je vais dans ton désert, tu viens dans le mien.
Nous marchons.
Nos pieds sans chaussures éclaboussent ce ocre infini.
Le vent ébouriffe tes cheveux.
Je ris. Tu me regardes, attentif à mon bonheur.
On ne parle pas. À quoi serviraient les mots.
Combien de temps passe-t-il ainsi. Ai-je tout revisité,
bu chaque coin sombre et caché, je ne le pense pas.
Je comprends qu’ici, je suis éternel.
À la recherche de mon aboutissement, j’agrandis ce désert ou vis mon passé et
j’y retourne sans cesse pour découvrir ce que j’ai été.
Alors, la nuit (car il faut bien qu’il y ait une nuit),
se camoufle frileusement puis laisse apparaître un soleil maigre.
Le signal est donné. Tu t’en retournes doucement chez toi.
Bientôt je mêlerai mon désert au tien pour agrandir
pour un moment tous ces rêves que nous avons semés.
Je traverse une frontière imaginaire et je sens l’herbe me caresser.
Les yeux fixés sur le lointain, je vais continuer de créer,
modeler ce qui sera toujours moi.
Enfiévré, mais jamais apeuré, car j’aime déjà ce que je serai,
parce que j’aime tellement ce désert, Hier, mon passé.

Titre emprunté à Yves Bonnefoy